Sur Dès son titre, Douleur au membre fantôme (Figures de Woyzeck) affirme sa filiation avec la célèbre pièce du dramaturge Georges Büchner, ainsi que mon intention d'en poursuivre les interrogations sur le meurtrier, la victime, la culpabilité, la responsabilité, la banalité du mal antisémite, la trivialité des violences faites aux femmes; ceci dans la continuité psychologique scrupuleuse des personnages d'origine, mais aussi à la lumière noire des événements exactement contemporains de sa rédaction [2] et sous les auspices desquels s'ouvrit ce troisième millénaire : Dans la pièce de Büchner, Woyzeck tue Marie, sa concubine, parce qu'elle l'a trompé... Ce "parce que" m'était alors apparu d'une insupportable obscénité, tout autant que les interprétations tendant généralement à l'exonérer de son meurtre : un peu bizarre, illuminé (il voit des Francs-maçons partout...), instrumentalisé et moqué par ses supérieurs, rossé par l'amant de sa femme, Le Pauvre soldat Woyzeck ne possède rien d'autre que Marie et leur enfant... Pour témoigner à charge contre l'obscénité de ce" parce que" dans ce qui se proposait alors comme une suite et fin de la pièce de Büchner, s'imposaient à moi ces questions : comment traiter le personnage du meurtrier Woyzeck, coupable en même temps qu'irresponsable et comment faire parler les victimes, les victimes absolues, les disparus ?
Ce témoignage à charge violemment iconoclaste a sans doute valu à Douleur au membre fantôme (Figures de Woyzeck) de n'être représenté que quatre fois...
|
"Pissons encore un coup en croix afin de faire mourir un Juif" clame le Premier Artisan à la fin de son discours révolutionnaire. Quant au personnage du colporteur Juif – mon trisaïeul d'Europe centrale, toujours entre deux pogromes – il vend, en toute connaissance de cause, l'arme de son crime à Woyzeck. Il est intéressant de noter que ce dernier personnage a disparu de l'opéra d'Alban Berg.
À la fois fade et dissolvant, cet idiome "citoyen" reste à étudier comme le fit Victor Klemperer pour ce qu'il nomma la Lingua Tertii Imperii, la Langue du Troisième Reich.
Les récentes représentations journalistiques de la Figure - impertubablement séduisante - du Meurtrier par Amour induiraient bien plutôt une suite sans fin de cette obscénité...
|
|||
Mise à jour le
23.05.2024
© 2017 Juliette Gourlat |