Extrait
[...] Peur de mourir et en même temps...
Peur de vivre dans ce monde en proie à la guerre, aux conflits environnementaux, aux catastrophes pas naturelles, aux épisodes cévenoles, aux réfugiés du climat, aux écocides, aux Lampedusa, aux canicules de 2003, aux enclaves de Ceuta et Melilla, aux hot spots de Lesbos, Moria, Augusta, Amygdaleza, aux AENAEAS, FRONTEX, HERA, aux tueries, carnages, attentats, aux meurtres, aux assassinats[1].
(Peur de l’aimer plus qu’il ne m’aime. Peur que tout soit fini entre nous. Peur de me mettre à pleurer quand on me demande de ses nouvelles. Peur de pleurer au cinéma et qu’on voit mes larmes en sortant.)
Peur de n'avoir plus personne pour me « toucher gentiment » comme l'écrit Kafka à Max Brod après une visite au bordel.
Peur d’être seule.
(Peur de n’être jamais seule.)
Peur de l’abandon.
Peur d’être abandonnique.
J’ai peur de vieillir d’un seul coup ! C’est Marceline qui le dit, que l’on vieillit d’un seul coup.
(À propos des suicides de vieux, j’avais lu cette phrase dans Le Monde : "C’est bien pire que la dépression : ils sont vraiment désespérés.")
Peur de devenir alcoolique, de prendre des anxiolytiques, d'adopter un chien ou un chat.
(C’est dommage, entre parenthèses, qu’il n'y ait pas d’horoscope[2] au "Monde" !)
Et aussi, peur de la pauvreté. Peur de ne pas pouvoir manger 5 fruits et légumes par jour, sans même parler des asperges ! Peur de devenir obèse[3] en mangeant trop sucré, trop salé, trop gras, en grignotant entre les repas.
Et justement, puisqu’on en parle, d’après l'horoscope du Parisien, la période qui s’annonçait verrait s’évanouir mon complexe de culpabilité.
Est-ce que c’était imaginable ? Est-ce que c’était même souhaitable (après tout chez les écrivains[4], il n’y a pas que Virginia Woolf[5] à vouloir garder sa névrose !) de ne plus être « La Mauvaise Fille » ? Celle qui avait quitté ses parents le jour de sa majorité pour vivre avec un homme marié ?
[1] Ôter la Mézouza de ma porte palière ?*
* "ENCORE UNE SÉXAGÉNAIRE ASSASSINÉE PARCE QUE D'ORIGINE JUIVE" titrerait Le Parisien. (Et Le Monde ?)
[2] Balance ascendant Balance : accablée par ce redoublement de mon incapacité à choisir. Mais comment être sûr de l’heure exacte de sa naissance ?
[3] Le corps d'ogresse de Myriam Badaoui engloutissant tous ses comparses lors du procès d'Outreau. (Impossible d'imaginer ce qu'ils pouvaient faire avec de si jeunes enfants*... La forme d'esthétique** qui présidait aux films et revues pornographiques*** a disparu des photos et vidéos de l'internet. Sur le site gratuit "Josette et Jacky", Josette exhibe un orifice anal largement distendu. Les "vrais gens" de la téléréalité, mais porno.)
* "Ils nous faisaient des manières" répétait l'ainé !
** Est-il possible qu'une modification technologique (passage de l'analogique au numérique) induise des modifications esthétiques et morales ? Lien de cause à effet ou bien contemporanéité des phénomènes ?
*** Les fellations toujours d'avantage représentées que les cunnilingus : plus photogéniques ?
[4] Ou plutôt chez les écrivain-e-s, selon l’idiome "citoyen" du nouvel ordre culturel, intellectuel, moral, artistique, politique, qui reste à étudier comme le fit Victor Klemperer pour ce qu’il nomma la LTI, Lingua Tertii Imperii, la Langue du IIIème Reich.
[5] Quelques jours avant son suicide, elle écrivait dans son Journal : « Et maintenant, que j'aille préparer la merluche »... C'est bien qu'on est vivant jusqu'au bout ?
> retour
• Éditions Créaphis, 2019 |